Sous ce titre un peu accrocheur (et légèrement démagogique, il faut bien l'avouer), se cache un triste constat que nous allons tenter de développer tout au long de ce billet.
Alors que les élections approchent (on vote à la fin de la semaine) et que les partis rechignent à faire campagne, il convient de s'interroger sur les conséquences de nos votes dans le domaine qui nous concerne (ici les libertés numériques).
L'UMP en France et en Europe (au sein du PPE) est un danger pour la liberté
Le fait est que l'UMP est le parti le plus dangereux en ce qui concerne les libertés individuelles, notamment dans le domaine du numérique. Il est assez facile de le vérifier tant les exemples pullulent :
- On pourrait citer les notes accordées par la Quadrature du Net sur son outil de supervision Mémoire Politque. Que ce soit en France avec la loi HADOPI, ou au Parlement Européen en première et deuxième lecture du paquet télécom, sur le rapport Lambrinidis, le rapport Bono ou encore les positions concernant les brevets ou les brevets logiciels, les parlementaires UMP (ou le PPE, le groupe européen dans lequel ils ont représentés) sont les députés qui obtiennent les plus mauvaises notes relativement aux recommandations de la Quadrature du Net. Traduction : il ne faut pas compter sur les députés UMP pour protéger nos libertés dans le domaine du numérique, que ce soit en France ou en Europe.
Les rares fois où le PPE n'est pas le groupe avec la plus mauvaise note, comme lors de la première lecture du paquet télécom, ce n'est pas grâce aux députés UMP qui totalisent 14 des 16 plus mauvais votes. De manière générale, le PPE est le groupe qui obtient les plus mauvaises notes et au sein de ce groupe, ce sont les français (les UMP donc) qui sont en queue de peloton.
- On pourrait également observer la campagne candidats.fr lancée par la très efficace association de promotion et de défense du Logiciel Libre (l'April). Lors des Législatives de 2007 déjà, le résultat de l'UMP a été médiocre, le plaçant en queue des principaux partis avec 4 fois moins de signataires que le centre, le parti socialiste ou les Verts et deux fois moins que le parti communiste. Même chose lors des municipales l'année suivante. L'UMP se contente de 6 signatures, tandis que le PS, le MODEM et les Vert font de trois à cinq fois mieux. La dernière présidentielle est encore plus parlante : le candidat Nicolas Sarkozy a été le seul à donner une réponse contraire à ce que peuvent attendre les défenseurs de liberté. Le préambule de la réponse est croustillant :
« [...]il existe une limite aux libertés individuelles, qui est le respect de celles d'autrui. [...]il n'y a pas de démocratie sans protection de la propriété privée. Garantir le respect des libertés sans porter atteinte au droit de propriété, tel est mon objectif. »
On ne pouvait pas être plus clair. HADOPI et LOPPSI étaient déjà dans les cartons. Pour revenir au sujet de ce billet, candidats.fr a également lancé une campagne européenne. Saurez vous trouver quel parti (à l'époque de la rédaction de ce billet) na pas signé le pacte ?
- Moins parlant, mais intéressant tout de même, l'analyse du site députés godillots qui, comme son nom l'indique, référence les députés qui ne participent pas (ou peu) aux débats parlementaires, mais se présentent massivement lorsqu'il s'agit de voter un texte, rabaissant le rôle de député à celui de singe dressé levant machinalement la main par réflexe pavlovien au stimulus vocal ( «défavorable», «Anéfé défavorable») de son maître et de sa maîtresse. Ces députés sont la honte de la démocratie française. Outre le fait qu'ils permettent de voter des lois ayant de graves conséquences, sans aucun état d'âme, ils sont grandement responsables de la désaffection des français pour la politique et de la colère d'une partie de la population qui ne se sent pas représentée... par ses représentants. D'où un fort taux d'abstentionnisme. Par ailleurs, ces parlementaires sont également responsables de la fragilisation de la séparation des pouvoirs. Ne pas les élire rend service à notre démocratie.
Analysons les députés référencés comme godillots. Il y a 44 députés recensés (1 sur 13, ce qui n'est déjà pas rassurant en soi. Mais ce qui est pire, c'est que la liste n'est pas exhaustive et uniquement basée sur une petite partie des débats...). Sur ces 44 députés, seuls trois ne sont pas UMP, dont l'affligeante Sylvia Pinel et le tragique Jack Lang. Ce dernier est, comme par hasard, pro-HADOPI. Au contraire, les députés contre HADOPI sont parmi les plus bûcheurs selon le classement du site les infos.com : Dans le top 10, Jean Pierre Brad et Martine Billard, de loin les meilleurs opposants occupent respectivement la 4e et la 10e position, tandis que Brottes occupe le 6e rang. Ce sont des coïncidences plutôt troublantes. Pour faire bonne mesure, remarquons tout de même la 11e place de Warsmann, le président de la commission des loi (ce qui explique certainement en partie son activité importante).
Bien sûr, nous ne nous attarderons pas sur le fait que l'UMP est à l'origine et à la réalisation des lois DADVSI, LCEN, HADOPI, LOPSI, LOPPSI et de la LSI (proposée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur). Si vous lisez ce billet, vous devez déjà avoir votre propre avis sur la question.
L'UMP se moque de l'Europe
L'UMP a malheureusement bien peu de considération pour l'Europe, bien qu'elle siège au sein du PPE, le groupe majoritaire.
Le parlement Européen est une poubelle
L'Europe est vue comme une voie de garage, ou un dépotoir dont personne ne veut. Pour ne prendre que deux exemples :
- Rama Yade qui était supposée y aller, et qui a refusé en en plein disgrâce.
- Rachida Dati y va, mais contrainte et forcée. Elle a bien vu que ça n'a pas réussi à Rama Yade de refuser. Mais pourquoi se priver d'une si bonne ministre de la justice ? Tout simplement parce que personne n'en veut plus. Elle est fâchée avec les magistrats, avec les gardiens de prison, avec les membres de son cabinet (qui démissionnent tous les uns après les autres ne pouvant plus supporter son mauvais caractère), le conseiller justice de l'Élysée Patrick Ouart (en fait le vrai ministre de la justice, qui prépare les textes, pendant que Rachida s'occupe en arrivant en retard à ses rendez vous avec les magistrats ou en allant chez le coiffeur au moment où elle est attendue pour répondre aux question de députés). Même Nicolas Sarkozy, dont elle a été longtemps la protégée, n'en veut plus et est chaque jour plus excédé par son incompétence, son côté trop people (si si) et ses gaffes à répétition. Constatant qu'il fallait éloigner d'urgence la ministre de toutes les personnes qui ne peuvent plus la supporter, l'UMP devait l'éloigner. Où caser Rachida Dati ? Pourquoi pas sur une liste européenne ? C'est bien là qu'on met les personnes dont personne ne veux non ? Encore une fois, ce genre de comportements aide à comprendre le fort taux d'abstention et la désaffection des français pour la politique.
L'enfer, c'est l'Europe
L'Europe est le parfait bouc émissaire : il y a peu d'information sur ce qui se passe au sein de l'Union Européenne et elle ne se défend pas. Du coup dès que quelque chose va mal, il est facile de dire que c'est de la faute à l'Europe. Parce que vous comprenez ma bonne dame, si c'était moi, ça fonctionnerait autrement, mais là c'est l'Europe, alors vous comprenez.
- Michel Barnier, par ailleurs co-listier pour les élections européennes de la très sympathique Rachida Dati, que nous évoquions précédemment, s'est servi de cette excuse pas plus tard que la semaine dernière. Un petit coup de démagogie, alors que les élections européennes approchent, ça ne fait jamais de mal (un petit peu à la démocratie, mais ce n'est pas grave, l'important, c'est que ça n'empêche pas ces respectables personnes de se regarder dans un miroir). L'anecdote est contée par le Canard Enchaîné du 27 mai. Michel Barnier pousse une gueulante :
« Je ne me résous pas à voir disparaître les quotas laitiers [et] à laisser l'agriculture à la seule loi du marché. »
Que Barnier puisse fustiger le libéralisme, sans se sentir ridicule, c'est son problème. Le fait qu'il stigmatise une décision entérinée lors d'une réunion du conseil de l'Union Européenne (c'est à dire les ministres concernés de chaque pays), le 20 novembre dernier, soit sous la présidence française de l'Union Européenne (c'est à dire sous la présidence de Barnier himself pour les questions d'agriculture), c'est déjà plus inquiétant pour la santé mentale de Michel Barnier (à moins qu'il ne souffre d'amnésie). Mais la France était bien plus préoccupée par la suppression de l'amendement 138 du Paquet Télécom que par la préservation des quotas laitiers.
- Le même Barnier avait déjà fait des éclats en juin dernier lors de la polémique des quotas de pêche au thon rouge. Notre ministre de l'agriculture s'est fâché encore plus rouge que son thon, expliquant à qui voulait bien l'entendre que la méchante commission européenne empêche les français de pêcher alors qu'ils sont loin d'avoir atteint leurs quotas. Quelques jours passent. La commission se renseigne et, preuve à l'appui (basé sur des observations satellites des thoniers), se rend compte que non seulement les quotas étaient dépassés en France, mais en plus de manière importante. Résultat, la réunion suivante, c'est un Barnier plus calme qui est arrivé la queue entre les jambes et on ne l'a plus jamais entendu sur ce sujet... sauf sur dans la presse traditionelle (il faut bien caresser l'électorat marin dans le sens du poil).
- « Les socialiss' de l'europe font rien qu'à nous embêter ! » . Voilà le refrain que la plupart d'entre vous auront entendu à plusieurs reprises au cours de ces derniers mois. Évidemment en période électorale, l'UMP ne se prive pas de le reprendre sur son site de campagne. Après tout on n'est plus à un mensonge près. Analysons ces déclarations.
- L'UMP adore répéter, à l'envi, que les socialistes européens, les français au premier rang, votent des dispositions (en particulier l'amendement 138 du paquet télécom) dans le seul but de mettre des bâtons dans les roues de leur projet de loi HADOPI, et donc de se servir de basses besognes de politique politicienne et de faire de la démagogie. Mais l'UMP ignorait certainement que Zuzana ROITHOVÁ, co-dépositaire de l'amendement 138 est membre du PPE, le parti dans lequel est représenté l'UMP. Difficile croire que son but est de servir le parti socialiste. l'UMP ne devait pas savoir non plus que l'amendement 138 a été voté à plusieurs reprises à quasiment 90% des voix à chaque fois. Or, le Parti Socialiste Européen n'est que le deuxième groupe en Europe, derrière le PPE. Il est donc difficile pour les seuls socialistes de faire passer quelque chose à la majorité, et encore moins, comme ici, à la quasi unanimité.
- Le Paquet Télécom serait par ailleurs pris en otage par les socialistes, responsables de son retard. Évidemment il ne faut pas revenir sur les causes de ce retard. Ça risquerait de dévoiler une vérité pas toujours bonne à entendre. En l'occurrence, le vote de l'amendement 138 dans sa forme actuelle est bien responsable du retard de l'adoption du Paquet Télécom, ce qui est en effet problématique. Pourquoi la simple adoption d'un amendement peut retarder toute une directive ? Tout simplement parce que c'est le seul point de désaccord entre le Parlement Européen (élu par le suffrage universel) et le Conseil de l'Union Européenne (non élu). Le Conseil souhaitait supprimer cet amendement avec un argument choc :
« On n'en veut pas, ça nous empêche de contrôler Internet dans nos pays respectifs, soit vous vous écrasez, soit on dit partout que c'est de votre faute que tout le projet est retardé. »
On appréciera l'élégance de la manœuvre. N'oublions pas que Luc Chatel, a été l'instigateur de la disparition de l'amendement 138 lors de la première lecture au Conseil et l'Union Européenne, provoquant l'abstention de trois pays (ce qui est rare à ce niveau). Ces arrangements ont été discutés en toute transparence : La diffusion de la séance a été interrompue pendant 3 heures pour ne reprendre qu'au moment du vote, laissant les citoyens ignorants des tractations qui ont pu avoir lieu dans la pénombre des couloirs. Élégant également, non ?
Revenons encore en arrière. Pourquoi l'amendement 138 a-t-il été déposé à la base ? Le Paquet Télécom ne devrait pas traiter du contenu. Or, les fanatiques du copyright dur, l'UMP et le gouvernement français en tête, ont parsemé le Paquet Télécom de mentions dangereuses et de termes flous. De nombreux citoyens se sont alors émus par téléphone auprès de leurs députés européens de ces menaces pour la liberté et de l'incertitude juridique qu'elles entrainent. Grâce à un énorme travail de citoyens européens, et au premier rang de la Quadrature du Net au résultats impressionnants, la plupart de ces problèmes ont été corrigés. Cependant certains termes dangereux subsistaient. Lors de nouveaux coup de téléphone, les députés nous ont assuré, la bouche en cœur, que non il n'y a plus aucun problème, tout est propre et que vous comprenez, nous on est là pour défendre les citoyens, nous ne sommes pas des vendus à la solde des lobbies. Tant de bonne volonté, ça fait chaud au cœur. C'est pourquoi il leur a été proposé un amendement, pourtant un simple rappel du droit communautaire, qui met noir sur blanc leurs promesses : « Si vous affirmez défendre les libertés des citoyens, vous ne verrez donc aucun problème à voter cet amendement. »
Vous Voilà comment on corrige un texte buggué en mettant les mauvaises volontés devant le fait accompli. On pourra consulter à ce sujet la très instructive vidéo de la conférence de la Quadrature du Net au Computer Chaos Club, particulièrement entre la 10e et 20e minute.
- Pour résumer : les lobbies et leurs défenseurs (en France les ayants droit (SACEM, SACD, Vivendi etc.), le gouvernement et l'UMP) on tenté d'utiliser le Paquet Télécom pour faire passer des amendements totalement hors sujet sur le contenu afin de préparer leurs lois stupides. Grâce à une vigilance citoyenne, ce n'est pas passé inaperçu. Le texte a été en partie nettoyé et un amendement de protection a été introduit. Les gouvernements des États de l'Union Européenne et en premier lieu la France qui s'est servit de sa présidence a retiré à plusieurs reprises cet amendement voté à plusieurs reprises par une écrasante majorité (~90%) de députés européens élus au suffrage universel. Après une dernière lamentable manœuvre à nouveau repérée grâce à la vigilance de la Quadrature du Net, l'amendement a été une nouvelle fois adopté, ce qui provoque le retard de l'adoption définitive du Paquet Télécom. Alors à qui la faute messieurs de l'UMP ? On notera que c'est tout de même étonnant de mettre autant d'énergie à faire disparaître un amendement qui selon notre ministre de la culture « ne pose aucun problème » vis à vis d'HADOPI.
Épilogue
Rions avec l'UMP
Pour finir, moquons nous un peu du parti qui proclame « Quand l’Europe veut, l’Europe peut ! ». En effet l'Europe peut revoter l'amendement 138, l'Europe peut mettre en place les quotas de pêche au thon rouge ou supprimer (progressivement) les quotas laitiers. L'Europe le peut, mais l'UMP aurait préféré qu'elle ne le puisse pas.
Comme un clin d'œil ironique, c'est Riester, le rapporteur de la loi HADOPI, qui est le directeur de la campagne européenne pour l'UMP.
Oui bon c'est bien beau, mais on fait quoi ?
C'est la question qui revient souvent lorsqu'on partage ce constat avec des citoyens. Suivant vos sensibilités, la réponse est plus ou moins facile.
Pour les personnes étant plutôt, ou carrément de gauche, la réponse est simple. Que ce soit en France ou en Europe, les verts sont les meilleurs défenseurs de nos libertés, suivis de près par les communistes.
Si vous êtes plutôt de centre gauche, ne pensez pas que le PS est un des meilleurs défenseurs des libertés. Bono, qui est pratiquement devenu un héros grâce à Internet, suite à son amendement 138, a en fait très mal voté lors des votes importants. De même Trautmann a très mollement défendu ledit amendement et uniquement sous la pression des citoyens. Mieux vaut voter pour les verts ou le PC. Si c'est inconcevable, mieux vaut le PSE qu'une abstention.
Sujet délicat, mais il faut être pragmatique. Si vous êtes proches du FN, oui c'est un bon choix pour ces élections,
relativement aux sujets que nous étudions ici. Quoi que l'on puisse penser de ce parti, force est de reconnaître qu'il obtient les meilleurs résultats, souvent avec la note maximale. Si le FN disposait d'un groupe parlementaire distinct des autres non inscrits, il ferait probablement aussi bien que les verts.
Pour les centristes, ou la droite modérée, la réponse est bien plus compliquée. Mieux vaut une abstention qu'un vote UMP. Quand au modem, c'est difficile à dire. Le groupe dans lequel il est représenté (ALDE) a obtenu de très mauvais résultats. Il est possible que ça change si Jannely Fourtou (la femme de Jean René Fourtou, président du directoire du Vivendi) ne fait plus partie de ce groupe lors de la prochaine mandature.